Je m’appelle Julia. Je viens de Paris et change de vie après 10 ans dans le domaine digital. Entre mobilisations citoyennes et formations en permaculture, j’explore aujourd’hui les champs des possibles au fil d’inspirantes rencontres qu’offrent les chemins de la transition. Initialement, j’ai pris part à l’Odyssée des Alternatives pour y réaliser graphisme et vidéos. J’avais rencontré Samia et Guillaume au Camp Climat Espère cet été, et nous avions dansé la vie ! J’ai été appelée à embarquer sur Out of the Blue, le voilier de Charlotte, pour la première traversée, de Barcelone à Seyne-sur-Mer. Je n’avais jamais navigué et je rejoignais la flottille sans craintes ni attentes. C’était déjà si fou d’avoir rejoint Barcelone, et d’embarquer dans ce fourmil citoyen au pied de la Sagrada Familia. Les échanges qui ont précédé notre départ du 19 novembre m’avaient éclairée sur les conditions de la traversée. Bon, à l’oreille d’une novice, cela ne révèle pas grand-chose, si ce n’est un vent fort et un monocoque qui va valser ! ^^
Nous avions pris le temps de faire la rencontre de Charlotte et du voilier dans l’après-midi.Chargés de vivres et de nos vives énergies, nous avons investi chaque recoin, découvert les multiples cachettes et astuces du bateau. Prirent connaissance des règles de vie à bord. Nous sommes partie le soir, quittant l’escale de Barcelone encore animé par les vibrations du forum social, le coeur chaud, prêt à rejoindre la mer.Le départ de Barcelone s’est fait à minuit.Derniers échanges radio du port pour lever le pont et nous ouvrir les portes de la Méditerranée.Nous étions heureux d’être là, ensemble pour suivre l’aventure, nous admirions Barcelone scintillante en prenant le large. C’était magnifique. et dans le même temps un poil flippant ! La mer était de plus de plus en plus sombre, et le vent soufflait à nous rappeler les conditions à venir.
« Réveillée par la lumière et le rire des amis sur le pont, je me sentais en joie d’entamer notre second quart. L’énergie était remontée et la mer se présentait plus clémente. Nous avons même cuisiné un peu avec Odile ! Le soleil était timide, mais suffisant pour nous réchauffer les visages et dévoiler l’horizon lumineux. »
Nous avions pris nos quartiers sur la voix bienveillante de Charlotte, attentive à nous rappeler les mesures de sécurité et les points de vigilance. Elle nous avait réparti en binôme pour nos quarts : appeler au pont toutes les 6 heures ! Levée 3h pour prendre notre premier quart avec Eric, outch ! ^^ Je dois vous avouer que les premières heures ont été physiquement difficiles pour moi, j’accueillais difficilement les remous et la densité d’une mer agitée. J’étais pourtant en confiance, Eric revenait d’une traversée et semblait heureux d’être de nouveau sur un voilier. Et Charlotte était encore réveillée, attentive sur le pont, à transmettre la barre et apporter du soutien si besoin.
Je m’étais beaucoup couverte, surement trop. Je ressentais une grande fatigue. Ça n’a pas manqué, j’ai fini les genoux à terre et la tête par, dessus, bord à plusieurs reprises. Parfois oubliant même de m’accrocher, oups. La mer était hypnotique et je me suis endormie sur le pont, re oups. J’ai fini par rejoindre la cabine à 5h30 pour m’allonger et dormir jusqu’au lendemain. Réveillée par la lumière et le rire des amis sur le pont, je me sentais en joie d’entamer notre second quart. L’énergie était remontée et la mer se présentait plus clémente. Nous avons même cuisiné un peu avec Odile ! Le soleil était timide, mais suffisant pour nous réchauffer les visages et dévoiler l’horizon lumineux.
La seconde nuit fut magique. Nous faisions les deux quarts qui encerclent la nuit : de 21h à minuit, puis de 6h à 9h. C’était fabuleux d’accueillir la nuit et le jour. Nous avons vécu à la fois un lever de lune et un lever du soleil. Cette nuit-là, je portais enfin un regard attentif sur cette nature aussi sobre que dense. Avec admiration et peur quand même, nous avions toujours une mer bien virulente ^^
En fait, je levais enfin un peu la tête, j’étais enfin plongé dans le ciel et ancré dans l’eau vive. Comme accrochée aux étoiles pour garder le cap et accueillant les remous avec plus d’agilité.
C’était magnifique d’être plongés dans ce contraste saisissant : la mer était noire, chargée d’écumes blanches immaculées. Le ciel nous offrait un spectacle fabuleux. Gorgés d’étoiles, une fenêtre sur le cosmos.
Parfois la lune se dévoilait et nous éclairer telle une timide lanterne de nuit. Le voilier avançait au ras de l’écume des vagues et nous nous prenions de plein fouet des rafles d’eau, surtout Eric qui tenait bon la barre.
Nous avions parfois peur de la force du vent, mais nous gardions le lien et le cap. Dans des eaux aussi vives et en pleine nuit, je n’étais pas d’une grande assistance sur le pont si ce n’est par ma présence.
« Le voilier avançait au ras de l’écume des vagues et nous nous prenions de plein fouet des rafles d’eau. »
J’ai beaucoup apprécié la manière dont Charlotte m’a transmis quelques pratiques afin de garder le lien avec Eric : cap, distance, attention sur les bateaux à l’horizon …
Me voici enfin apaisée, assise sur le pont, bien attachée et attentive aux instructions, suffisamment couverte, et surtout en lien avec cette nature aussi inquiétante qu’émouvante.
Tu penses au vivant de ces eaux. Quelle intrigue, quel gâchis, quelle horreur. On connaît qu’une infime partie de ce qui existe sous les eaux, on la pollue de nos plastiques et nous y naviguons de manière intensive.
Pour certains, ces eaux sont le reflet d’un avenir incertain. Loin du confort d’un voilier, ils traversent la Méditerranée sur des embarcations de fortune, collés les uns aux autres et abandonnés là à leur sort injuste.
Oui, en pleine mer et face à cette mer noire et terrifiante, on se relie directement à la destinée de ses personnes qui se multiplient et se bousculent pour rejoindre un tant soit peu de vie, et encore, nombreux sont ceux qui la perde sur le chemin. Charlotte nous racontait qu’il était bon de conserver le nom d’un voilier. Out of the Blue resta donc le nom de son voilier ! Elle fut ravie d’apprendre que cela signifie l’inattendu, ce qui arrive sans prévenir, comme tombé du ciel.
Nous avons tous ressentis de grandes émotions lors de cette traversée. Conscients des injustices qui règnent autour de nous et attentifs les uns aux autres, nous étions tous animées par l’élan d’un monde plus juste.
Nous suivions ensemble le cap ce nouveau monde dont tout le monde parle. Alors quand la peur ou la fatigue souhaitait s’installer, nous relevions la tête et partagions sourires, regards, expériences, vannes et rires. Jusqu’à destination !
Julia Demarque